Nakba et dynamique des réfugiés
Par Hussam Khadr
Hussam Khadr, député palestinien (en prison depuis
mars 2003)
Beaucoup ont écrit sur la
Nakba en tant que concept et événement historique charnière, ayant
eu des conséquences directes et sévères sur l'ensemble de la
situation palestinienne, économique, sociale et démographique. Nous
pouvons dire que la Nakba n'est pas liée à une date précise comme
nous nous sommes habitués à en parler, en la liant directement à
l'année de 1948, mais c'est un processus historique complexe et
important qui a été précédé par des préparatifs et des
introductions.
De même, la Nakba a eu des conséquences et des résultats qui sont
toujours présents. Les premiers aspects de la nakba palestinienne
ont commencé à se constituer dès la fin du XIXème siècle, soit avec
la tenue du premier congrès sioniste, ou même un peu avant, en
passant par la déclaration Balfour et les vagues d'émigration juive
qui ont suivi, vers la Palestine, accompagnées d'une propagande et
d'une mystification de la réalité, sur le fait que "la Palestine est
une terre sans peuple", sans oublier le fait que le mandat
britannique a largement facilité la création de l'Etat sioniste sur
la terre palestinienne.
Puis ce furent l'accord de Sykes-Picot, les lois britanniques qui
ont visé la propriété de la terre palestinienne, en la transformant
d'une propriété collective, qui allait à la large famille ou à la
tribu, à une propriété individuelle, et la décision 181 de partage,
puis les massacres commis par les groupes sionistes, les cas
d'expulsion collective qui ont touché près d'un million de
Palestiniens, la destruction des villes et des villages palestiniens,
la judaïsation de la terre en enfouissant les aspects historiques
qui affirment la présence palestinienne sur cette terre depuis des
milliers d'années.
La Nakba s'est poursuivie comme fait historique tout au long des
années, avec ses peines, ses souffrances, sa dureté, et cette
continuité sans fin s'est matérialisée avec la perte de la terre, la
présence du réfugié et de la tente, l'explosion démographique et
géographique propre aux réfugiés.
La perte de la terre a représenté la conséquence directe de la
Nakba.
La terre porte des significations symboliques et matériels
extrêmement complexes et entremêlés et spécifiques, c'est pourquoi
les groupes terroristes sionistes ont arraché la plupart des paysans
palestiniens à leurs terres, avec toute la dureté possible, mais il
ne faut pas oublier une réalité, cet arrachage a été précédé d'une
série de mesures mandataires visant à modifier la propriété
collective de la terre, et c'est cette perte de la terre qui a
conduit à la séparation entre le paysan palestinien et sa terre, ce
qui a eu pour conséquences la destruction de l'infrastructure socio-économique
axée sur la terre, en tant que moyen de production, et de ce fait,
le paysan est devenu chômeur, et dans les meilleurs des cas, il
exécute des travaux marginaux, non productif, pour faire vivre sa
famille.
La Nakba a conduit à supprimer le paysan en tant que travail et en
tant que mode de production chez les réfugiés, et par ailleurs, elle
a conduit à la destruction des bases matérielles et économiques sur
lesquelles la famille palestinienne élargie ou la tribu s'appuyaient,
la destruction des relations, du statut social et de la hiérarchie
sociale qu'assuraient la terre et sa propriété.
L'apparition du camp et du réfugié en tant que principaux témoins
de la catastrophe historique à laquelle a été confronté le peuple
palestinien
A partir de la douleur même issue de la nakba, des groupes de
résistants, de militants et de révolutionnaires, issus des quartiers
et des ruelles des camps de réfugiés ont formulé et innové des
stratégies pour que le peuple demeure, pour qu'il résiste sur tous
les plans, le plan de la lutte, de la société, de la culture.
Le camp et le réfugié sont certainement les conséquences permanentes
et toujours visibles de la nakba, et leur existence représente la
permanence d'un problème non encore résolu.
La géographie et la démographie palestiniennes en explosion
Les actes d'arracher et de déraciner de la terre palestinienne, la
perte de cette terre et les conséquences désastreuses qui ont suivi,
comme l'expulsion collective exécutée par les groupes sionistes, ont
conduit à la dispersion géographique en tant que nouvelle réalité.
Les Palestiniens ont été dispersés en tant que réfugiés sur des
lieux et des espaces nombreux, les plus importants étant : les
terres de 48 (ceux qui sont réfugiés dans leur propre pays), le
Liban, la Syrie, la Jordanie, la Cisjordanie, la bande de Gaza ainsi
qu'en des lieux où l'appelation camp n'est pas courant, en Egypte et
en Irak.
Au cours de la première période, quand la situation de réfugiés
était encore nouvelle, la tente est devenue une adresse très marquée,
qui entremêle plusieurs visions, attitudes et conceptions.
Le réfugié est celui qui a été accusé de fuite, mais en même temps,
c'est celui qui a été expulsé, il a également été perçu comme celui
qui a vendu la terre ou celui qui a été déraciné, il était la
conséquence et la cause en même temps, et l'état d'isolement auquel
il a été soumis a été renforcé par encore plus d'isolement et de
situation d'exil, jusqu'à ce qu'il devienne éloigné de son image
normale, celle d'un être attaché à la terre, pour qu'une autre image
prenne la place, celle d'un individu lié au camp en tant que lieu,
le camp étant devenu une alternative forcée à la terre première.
Cette époque, avec toute la marginalisation, l'isolement et l'exil
qu'elle comporte, a été soumise à la logique de la propagande et de
l'histoire sionistes concernant ce qui s'est passé en 48. Elle fut
aussi celle de la perte du lieu où se trouve leur terre d'origine,
sans parler de la situation économique désastreuse, de l'oppression
politique et des différences culturelles et sociales avec le milieu
dans lequel s'est retrouvé le camp.
Les réfugiés ont montré une capacité prodigieuse à résister, pour
sortir de l'état d'isolement dans lequel ils étaient obligés de
vivre, dans une situation économique et sociale extrêmement
difficile. Leur conscience individuelle et collective a eu le grand
mérite de conserver, de formuler et de produire à nouveau l'identité
nationale palestinienne. Elle a été développée à l'intérieur des
milieux des réfugiés.
La défaite de 1967 a représenté une nouvelle étape pour la
représentation qu'ont les réfugiés d'eux-mêmes, elle a rompu leur
isolement, grâce à une série de stratégies de conservation qu'ils
ont élaborées de manière remarquable - l'éducation étant l'une de
ces stratégies - pour pallier au manque de la terre et pour survivre.
L'éducation et le savoir ont été un des aspects de la résistance,
ils ont été une réaction à l'ignorance qui fut une des causes de
l'exil, et l'éducation est devenue une possession que personne ne
peut arracher. Puis ce fut la constitution de l'Organisation de
Libération de la Palestine, pour former l'identité de lutte des
Palestiniens, et cette identité n'aurait pu être formée sans la
révolution déclenchée par Fateh en 1965, qui fut suivie par les
autres groupes de la résistance palestinienne, avec une nouvelle
stratégie de lutte.
Tout ce processus n'aurait pu se développer sans l'interaction
rapide et puissante dans les milieux des réfugiés des camps, et
notamment ceux de la seconde génération après la nakba, qui a
représenté une dynamique palestinienne d'un genre nouveau, basée sur
l'action.
Tout ce qui précède est une longue introduction à cet article, mais
il est nécessaire que ces éléments restent présents dans les esprits
palestiniens lorsqu'on aborde la question des réfugiés, leur nakba
et leurs droits qui ne peuvent être ignorés, rien que parce qu'ils
possèdent eux-mêmes cette conscience collective qui tourne autour du
droit au retour et à la réappropriation de leurs biens.
Et sans aucun doute, tous les réfugiés, toutes leurs institutions et
leurs structures actives aujourd'hui ont un droit sacré et une
responsabilité importante pour développer leurs capacités, pour
activer la revendication des droits et pour mettre en avant ce qui
suit :
- Les solutions proposées pour régler la question palestinienne,
quels que soient les scénarios proposés, que ce soit l'idée de deux
Etats ou celle d'un Etat démocratique unique, ne doivent pas nous
faire oublier que la revendication doit se maintenir,
l'établissement d'un Etat Palestinien ne signifie nullement le
retour des réfugiés à cette terre, mais les réfugiés doivent
retourner à la terre d'origine dont ils ont été chassés. Et c'est là
l'importance des aspects juridiques et légaux en ce qui concerne le
droit au retour, l'importance de multiplier les recherches autour de
ce point précisément.
Quant aux projets proposés et qui sont élaborés entre des individus
israéliens qui sont rejetés par les Israéliens et des Palestiniens,
politiques ou universitaires, ces projets doivent être refusés, mais
en même temps nous pousser à nous accrocher encore plus au droit au
retour. Les réfugiés doivent poursuivre leurs revendications et agir
de façon rationnelle et organisée, sans accorder trop d'importance à
ces marginaux et ces nouveaux arrivés dans la vie politique
palestinienne, car ils ne réalisent pas encore que toute la ténacité
avec laquelle les réfugiés se sont accrochés n'est qu'un préalable à
mener la grande bataille pour défendre le droit au retour.
- Unir les efforts entrepris par les réfugiés : De multiples
organisations, organismes et comités de défense des réfugiés, de
leurs droits, sont la preuve de l'action, de la force et de justesse
qu'il faut couronner en unissant cet effort, en instaurant un réseau
qui relie entre les différentes énergies, les comités et les
organismes, sans pour autant négliger l'importance des conférences
qui ont été tenues à l'intérieur et à l'extérieur, et qui préparent
le terrain pour une unité et une union qu'il est nécessaire de
construire.
Les efforts doivent converger pour arriver à une situation idéale,
et tous doivent prendre au sérieux cette dynamique initiée par les
réfugiés, qui est issue de leur crainte du danger pour leur cause et
leur avenir, et surtout rencontrer les corps sociaux et
représentatifs de leurs droits que sont les comités "A'idoun" (nous
retournerons) en Syrie, au Liban, les comités des défense des
réfugiés en Cisjordanie et la bande de Gaza, l'association des
réfugiés à l'intérieur de la ligne verte, le rassemblement du droit
au retour en Jordanie, le congrès du droit au retour, le congrès de
liaison des comités de défense du droit au retour dans le monde, le
centre al-awda à Londres, les comités des réfugiés en Europe et dans
les deux Amériques, le centre Badil et sa campagne internationale,
ses recherches scientifiques et ses études comparées qui expriment
une conscience, une vitalité et une capacité à profiter des autres
expériences pour la réappropriation des biens, les associations des
familles des villages d'où ont été expulsés les Palestiniens, les
centres sociaux et leur rôle pionnier à développer la conscience et
à s'accrocher aux droits, les unions des jeunesses des centres des
jeunes, des femmes, et les comités sociaux dans les camps et les
bureaux exécutifs, ainsi que d'autres corps et comités répandus dans
tous les lieux où se trouve le peuple palestinien.
- Et finalement, il est nécessaire d'affirmer que la position envers
le droit au retour est le critère pour mesurer le sérieux de telle
organisation, tel comité ou telle personne, car il ne faut pas que
ce droit soit soumis à des négociations, à des sondages, à des votes
ou soit considéré comme ballon d'essai pour tel ou tel responsable.
Toutes les forces vives de notre peuple doivent être conscientes et
être à un haut degré de mobilisation pour empêcher quiconque de
remettre en cause ou d'ignorer le droit au retour.
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