Le site ArabYnet (le
journal en arabe de Yediot Aharonot) a réuni trois enfants
du camp de Balata dans une discussion autour des "enfants
aux bombes" dans le camp même de Balata, proche de Nablus.
Veulent-ils eux aussi, mener des opérations-suicides ? Que
pensent-ils des Israéliens, des Juifs et du chef de
gouvernement Sharon ? Comment voient-ils l'avenir de la
région, l'avenir du conflit israélo-palestinien, à deux
mètres du barrage??
"Les femmes sont sorties pour
acheter le pain, je suis sorti dans la rue du camp, et
alors, quelques soldats m'ont attrapé et ont commencé à me
frapper. Les soldats m'adressaient la parole, mais je ne
comprends pas l'hébreu. Je ne savais pas si je devais dire
oui ou non. Tout ce que je sais c'est que j'ai commencé à
crier, en hébreu, "je suis un enfant, je suis un enfant",
c'est ce que mes parents m'ont appris à dire au cas où je
rencontre des soldats".
Mahmoud Huwayta (15 ans), du
camp de réfugiés de Balata, à Nablus, rêve de revenir à
son village Falej, près de Qaysariya. Mu'tazz Abdul 'Al
(15 ans) veut revenir à Ashdod, et Rasmi Arafat (16 ans)
rêve de vieillir à Yafa. Ils jouent toujours au football,
mais leur pensée est ailleurs, comme ils le disent, ils
sont préoccupés par leur guerre avec les Juifs.
Au cours des dernières
semaines, le camp de réfugiés palestiniens de Balata est
devenu une "fabrique" d'un phénomène appelé "les enfants
bombes". Les soldats présents au barrage de Hawwara ont
arrêté deux, le premier de 12 ans, le second de 16 ans,
avant qu'ils ne parviennent à exécuter les opérations. En
Israël, ce phénomène a été utilisé au service de leur
bataille pour gagner l'opinion publique. La rue
palestinienne a répondu avec exaspération et colère,
souhaitant d'une part la participation dans les combats de
l'Intifada mais refusant cette utilisation éhontée des
mineurs, de façon qui ressemble à des lavages de cerveaux.
La discussion suivante a été
menée dans une des maisons du camp de Balata, avec la
participation des enfants du camp. Ils connaissent "les
enfants bombes" qui étudient dans les écoles de l'UNRWA.
ONt-ils été surpris par la transformation de leurs
camarades en exécutants de ces opérations martyres ? Pas
tellement. Ils pensent que ce choix peut être le plus
probable pour eux, aussi, quand ils grandiront.
Pourquoi pensent-ils ainsi,
en réalité ? Les enfants de Balata pensent qu'ils ont,
même à cet âge, "un long compte à régler" avec Israël et
les Juifs. Mahmoud dit : "En plus des coups de poing que
j'ai reçus des soldats en décembre, ils ont tué deux de
mes cousins pendant l'Intifada, et un des oncles est
prisonnier en Israël".
Mu'tazz : "J'ai été blessé à
la tête. La balle tirée par les soldats m'a raté, elle m'a
légèrement blessé à la tête".
Rasmi : "Chez nous, les
soldats ont mis la maison sens dessus dessous lorsqu'ils
cherchaient des armes et des recherchés. Cela, il y a
plusieurs mois, mais ma petite soeur vit toujours des
cauchemars, elle éclate en sanglots lorsqu'elle entend les
coups de feu et chaque fois que les soldats entrent dans
le camp. Les soldats m'ont également frappé".
Avez-vous pensé que les
soldats entrent au camp seulement pour arrêter les
recherchés qui les combattent ?
Mu'tazz : "Ce n'est pas à
cause des recherchés, c'est leur comportement habituel.
Les recherchés font ce que chaque Palestinen doit faire,
la lutte pour la patrie. Pour nous, ce sont des héros et
non des recherchés".
Mahmoud : "Nous savons
qu'Israël fait tout pour que nous, les gens du camp,
noircissions l'image des recherchés, mais les recherchés
des organisations resteront pour nous un exemple que l'on
suivra. Ils n'ont commis aucune action mauvaise, et nous
ne nous comportons pas avec eux comme des recherchés, et
si une personne est recherchée parec qu'elle commet de
mauvaises actions, pour nous, cest Sharon qui est
recherché."
Rasmi : "Ce sont des héros,
ils se battent pour le camp et pour la Palestine. Ils ont
sacrifié leurs frères, leurs maisons et leurs vies".
Pendant la discussion,
l'enfant Abdallah Qar'an, 12 ans, est arrivé, il était
devenu une "star" il y a deux semaines, lorsque les
soldats du barrage ont trouvé une bombe dans le cartable
qu'il portait. Qar'an dit : j'ai arrêté de travailler, et
ajoute : "si je vais là-bas, les soldats vont me battre,
pour cela, je vais à l'école seulement".
Voulez-vous sortir (du camp)
pour mener des opérations ?
Rasmi : "Non, nous n'irons
pas exécuter des opérations suicides. J'ai peur. Je ne
ferai pas cela en contrepartie de 5, 150 ou toute autre
somme de shekels. Nos enseignants nous ont mis en garde de
ne pas nous laisser entraîner par ces histoires. Ils nous
ont demandé de ne pas nous approcher des barrages car les
soldats peuvent nous attraper, ils peuvent nous
transformer en victimes pour la propagande, comme cela
s'est passé avec Abdallah".
Mahmoud : "Nous sommes jeunes,
mais pour notre génération, nous avons également des
tâches à accomplir dans l'intifada, nous lançons des
pierres, et c'est notre contribution".
Pourquoi les enfants de votre
génération doivent s'occuper de ces affaires de guerre, au
lieu de vous préoccuper des études, de la télévision et du
football ??
Mu'tazz : "La peur envahit
toute notre vie. Nous vivons un cauchemar lorsque les
soldats entrent au camp, et l'enfant européen, jordanien
ne peut penser à ces choses, car les enfants européens et
jordaniens ne voient pas les soldats, ne voient pas les
armes, ne voient pas leurs camarades tués. Mis à part cela,
qu'y a-t-il à voir à la télévision ? L'armée à Nablus ?
L'armée à Tulkarm ? un mort par çi un mort par là... ?
Mahmoud : "Même si nous
pensons aux études, ici aussi, nous rencontrons les
soldats qui sont postés sur les routes qui mènent à
l'école. Ils nous obligent à chercher d'autres chemins
pour arriver à l'école. Les Israéliens ne veulent pas que
nous apprenions, et même lorsque nous sommes assis devant
la télévision pour regarder et nous réjouir d'une série,
nous avons constamment derrière nous les bruits des
véhicules israéliens, des chars et des coups de feu tirés
par l'armée."
Que pensez-vous du premier
ministre, Ariel Sharon ??
Mu'tazz : un personnage qui
commet une grande injustice envers nous, et le monde
entier est témoin de ce qu'il fait contre nous".
Mahmoud : Sharon est un
criminel, il a déjà commis les crimes de Sabra et Chatila
contre les Palestiniens. Ensuite, il a commis un autre
crime en entrant dans la mosquée al-Aqsa. C'est un crime
contre notre religion. Pourquoi est-il entré dans la
mosquée ?? Il n'est pas musulman."
Que pensez-vous des Juifs ?
Mu'tazz : "Ils sont Juifs,
Juifs. Cela veut tout dire. Les Juifs c'est quelque chose
de mauvais. Il n'y a pas de différence entre eux et entre
Sharon, tous sont nos ennemis".
Rasmi : Les Juifs sont des
gens mauvais qui commettent une injustice contre nous et
volent notre terre".
Mahmoud : "Ce sont des gens
qui nous privent de la vie, ils vivent sur notre terre et
de notre terre, de nos biens et de notre argent".
Mais il y a des Juifs qui
soutiennent la création d'un Etat Palestinien. Il y a des
avis contraires dans Israël
Mu'tazz : "Il n'y a pas
quelque chose qui est Juif et bon, et si cela est, c'est
rare. C'est sûr que nous pouvons les compter sur les
doigts de la main.
Mahmoud : "Peut-être que les
bons juifs existent, mais lorsqu'ils viennent ici, dans le
camp et en Cisjordanie, ils ont des ordres pour nous tuer,
ce qui fait qu'ils deviennent mauvais".
Rasmi : "Nous, nous
n'oublions pas d'où nous sommes. Nous reviendrons là-bas.
Toute la Palestine est à nous, à nous seuls, et non aux
Juifs".
Mu'tazz, tu as parlé, par
exemple, de ton retour à Ashdod. Où ira l'enfant israélien,
qui est comme toi, qui est né à Ashdod ?
Mu'tazz : Qu'il retourne là
d'où son père est venu. Ashdod est notre terre".
Mahmoud : "Les Juifs ont
beaucoup d'argent, qu'ils retournent en Russie et achètent
là-bas ce qu'ils veulent, comme maisons. La Palestine est
entièrement à nous".
Donc, la paix ne pourra pas
avoir lieu ?
Mu'tazz : la paix jamais, les
Juifs, les Israéliens, sont mauvais. Lorsqu'il y a un
martyr chez nous, nous sommes en colère, nous protestons,
mais quand un seul Juif est tué, ils pénètrent ici,
occupent la Cisjordanie, tuent et démolissent.
Que voulez-vous devenir quand
vous serez grands ?
Rasmi : Je veux devenir comme
les jeunes du camp, un combattant dans la résistance.
Mu'tazz : J'espère être un
activiste palestinien, pour servir la Palestine et mourir
en martyr.
Mahmoud : "Je veux faire mes
études et par mes études, je combattrai l'occupation".
Si je vous propose de mener
une rencontre entre vous et les élèves d'une école
israélienne, l'acceptez-vous ?
Mahmoud : "Nous n'irons pas
car ils sont nos ennemis. Il est vrai que ce sont des
enfants, mais ces enfants, leurs parents leur apprennent
comment nous détester, ils leur apprennent qu'Israël va du
Nil à l'Euphrate".
Rasmi : "les enfants nous
détestent encore plus. Je te donne un exemple : tous les
soldats sont mauvais, mais nous voyons dans le camp que
les soldats les plus jeunes sont les plus mauvais, ils
nous frappent plus, ils sont encore plus violents avec
nous. Les grands sont mauvais aussi, mais ils nous
frappent moins".
Mu'tazz : Ce sont des
Ashkénazes.
Comment savez-vous qu'ils
sont ashkénazes ?
"Nous voyons cela".
2 avril 2004